The Driller Killer, d'Abel Ferrara (1979).


Découvert adolescent en DVD (la même édition granuleuse en mono sur la photo), The Driller Killer (1979), premier film officiel de son auteur, est une sonde lâchée au milieu de l'âme humaine pour explorer ce qu'elle recèle de plus monstrueux. 

Les bas-fonds new yorkais, mis en scène de manière brinquebalante, sont propices à l'effondrement radical du personnage principal, que d'aucuns trouveraient beau gosse, jusqu'à son obtention progressive du statut de tueur en série. L'outil des crimes inspirera De Palma 5 ans plus tard dans le non moins génial Body Double.

Mais ce qui singularise la proposition abrasive et post-moderniste d'Abel Ferrara, également étude de moeurs, c'est bien ce regard sans concession posé sur le petit peuple des rues et autres communautés interlopes de la mégalo-pomme, que pas même le refuge de la religion ne semblera sauver. 

Métatextuel (on pense à Blow Up d'Antonioni) et autoréflexif (le "héros" est un artiste), ce dynamitage en règle du monde de l'art contemporain de son époque frise la sauvagerie, avec ses gros plans occulaires priapiques et ses mises à mort gorasses. Le sound design, expérimental, acerbe, donne également une part belle à de la musique intradiégétique pour s'inscrire dans un réel à propos duquel, à la frontière du gonzo et du naturalisme, le réalisateur livre un traité désabusé sur l'acte de filmer, comme son ainé le film de Michael Powell (Peeping Tom, 1960), sans laisser le temps au public de respirer, claustrophobiquement circonscris dans ses rues malfamées, ses appartements à la peinture défraichie et ses ruelles psychopathiques. 

Les fantômes du Mal trouvent ici une illustration fracassante que Ferrara n'aura cesse de convoquer et conjurer dans ses autres films de genre (polars, thrillers mafieux, épouvantes, drames intimistes). Le film a tellement plu à William Friedkin qu'il produira la tentative suivante de Ferrara. 

Entre Maniac de William Lustig et la mini-série Vinyl produite par Scorsese, je vous recommande The Driller Killer. À plein volume.

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