The Substance, de Coralie Fargeat (2024).
Séance #1 du 9 novembre 2024.
Elizabeth, une actrice sur le retour, décide de tenter un produit nommé The Substance, lui permettant de remédier à la discrimination âgiste qu'elle subit. La posologie de l'experience étant intenable pour Lizzie, elle et son autre/hôte ne cesseront de se croiser, jusqu'au point de non-retour.
Beaucoup a déjà été et sera écrit sur The Substance, de Coralie Fargeat. Lynchien (Eraserhead, Elephant Man, Blue Velvet, Mulholland Drive), Cronenbergesque (Videodrome, The Fly, Maps to the Stars), Refnien (The Neon Demon), Glazerien (Under the Skin), De Palmaesque (Carrie, Body Double), Carpenterien (The Thing), Verhoevenien (Showgirls), Kubrickien (2001: ASO, The Shining), Scottien (Alien), Aronofskyien (Requiem for a Dream, Black Swan), ce second galop d'essai de la nouvelle maitresse du body-horror mondial est un retelling du conte de Cinderella dans une version macabre croquignolesque qui, non contente de suffoquer l’auditoire dans cette exploration revolutionnaire de l’ “uncanny” (le mysterieux, l'étrange, le troublant), parvient à nous transformer en personnes souffrant de misophonie.
L’omniprésence des miroirs et des visages entreaperçus, les plans en courte focale, l’absence de réel dialogue, des acteur-ices halluciné-es, des effets spéciaux de maquillage et de prothèses impressionnants, un sound design étourdissant: autant d’ingrédients qui font de ce film expérimental féministe antipatriarcal, justement récompensé à Cannes, un midnight movie culte instantanément, qui met à l'amende toutes les références citées ci-dessus, ainsi qu'un réquisitoire par l’image contre une société trumpienne validiste, un Hollywood trop blanc et trop cruel, une essentialisation des femmes en tant qu’icones sexuelles, un trip que je vous souhaite de ne pas manquer en salle.
Le monstre est vivant, putain! Freaks de Tod Browning n'a qu'à bien se tenir! Body Odyssey rencontre rencontre Sunset Boulevard rencontre Spring Breakers.
Séance du 28 janvier 2025.
Deuxième dose de La Substance, 3 mois après une première expérience.
Tout tient dans cette première scène avec l'étoile d'Elizabth sur le Walk Of Fame, d'abord pristine, ensuite titillée par une feuille d'automne, puis camouflée comme mise au placard à l'avance par cette neige surréaliste en plein L.A., suggérant qu'on a bien basculé dans de la science-fiction, celle de Cronenberg, où le corps va muter, évoluer, régresser, devenir monstre.
Je savais pourtant dans quoi je mettais les pieds. The Substance est le genre de film qui résonne différemment selon le contexte de visionnage, selon les personnes présentes dans la salle. Ce soir, un couple d'amies n'en croyaient pas leurs yeux, avançant leur visage vers l'écran en pliant leur dos, tant les images leur paraissaient hallucinantes. Un autre couple d'amies, un peu plus jeunes, n'ont pu empêcher leur rire nerveux face à ce sommet incontournable de l'horreur moderne. Moi, cringé par ma misophonie, par les craquements des os, la perforation de la chaire, le distension de l'épiderme, la chute des cheveux / des dents / des mamelons, j'étais rendu interdit dans mon siège transpirant, en me disant que oui, beaucoup de femmes passent par où Monstro ElisaSue passe, et que j'ai le précieux privilège de ne pas avoir à affaire aux TCA, à l'âgisme, au sexisme.
Là où le premier visionnage m'avait fait vibé en surface, revoir le film de Coralie Fargeat après être passé-e par tant de nouvelles expériences, belles comme atroces, me permet de réaffirmer ma foi en le pouvoir d'un cinéma trop rare: celui qui bouleverse, va jusqu'au bout, envoûte, transporte, met de sacré mandales symboliques.
J'arrête d'écrire pour digérer pleinement mes afterthoughts de ce film-culte facilement oscarisable.
J'espère que Lynch a vu The Substance avant de partir.
Avec Julia Ducorneau (Grave, 2016), Thibault Emin (Else, 2024-5) et Coralie Fargeat, le body-horror français a des beaux jours bien dégueulasses, bien géniaux, devant lui.
P.S. : mieux vaut voir des films seul-e que mal accompagné. I Am One.
Commentaires
Enregistrer un commentaire