The Doom Generation, de Gregg Araki (1995)

 


Mise en garde :

Cette chronique mobilise la langue anglaise ; l’abréviation T.D.G. correspond au titre du film pour faciliter la lecture ; l’usage de prétéritions sert à retranscrire l’ironie présente dans le métrage. Spoiler altert.

Introduction – « Rêver le sujet »

Cet adage, que mon professeur de philosophie nous exhortait à appliquer face aux exercices d’écriture (commentaire de texte ou dissertation) fut son seul conseil : prendre connaissance du document ou de l’énoncé, et « méditer » pendant plusieurs dizaines de minutes, sans écrire – laisser le cerveau faire son travail préparatoire et les idées venir à soi. Ce très mauvais professeur, sans méthodologie autre que ‘débrouille toi avec cette matière à coefficient 7′, pourtant bon philosophe, eut une grande responsabilité dans les difficultés que j’ai développées à cette époque pour écrire, alors que j’étais un jeune lycéen hyper-productif, sur papier ou des blogs. Ce hold-up de ma créativité créa un combat interne contre ma propre propension à écrire, avec soin, sur les sujets qui me passionnent.

Au moment d’énonciation de cette chronique, je ne rencontre plus de page blanche. Mais je trouve cela important de contextualiser cet instant particulier pour moi, qui est celui où je m’apprête à chroniquer le deuxième film que j’ai vu lors de l’Étrange Festival, le jeudi 5 septembre 2004 à 16h30: The Doom Generation, de Gregg Araki (1995). Si je mets si longtemps à parler de ce film, c’est d’abord parce que je reste profondément marqué par le seul autre film de Gregg Araki que j’ai vu : Mysterious Skin (2005), film plus « sérieux », comparativement à la trilogie de l’Apocalypse Adolescente, dont T. D. G. est la pièce de résistance. Mysterious Skin traite des traumas, des abus, de famille imposée versus choisie, et du refuge que l’on peut trouver malgré soi dans le refoulement (mécanisme inconscient par lequel on « oublie » les choses), ainsi que dans l’imaginaire (mécanisme davantage conscient par lequel on tente de se « réapproprier » les choses par l’esprit et le cœur). C’est donc avec ce film subséquent dans la filmographie d’Araki en tête, que je m’apprêtai à découvrir une de ses propositions plus anciennes.

C’était également mon premier festival, pendant lequel, à y réfléchir a posteriori, je dus faire face à la dimension biologique de mon propre corps : après la projection d’It’s Alive, j’eus naturellement besoin de passer aux toilettes. Gérer sa vessie, en festival, c’est vraiment quelque chose de particulier ; je découvris de nouvelles manières de faire. « Trop d’informations, Ruby », me direz-vous. Mais vous comprendrez plus bas, si vous osez lire ce qui va suivre, à vos risques et périls (cela comprend un spoil des vingt premières minutes, mais bear with me if you will), qu’il y a une perspective corporelle à ne pas négliger dans T. D. G.

Par sérendipité, à la sortie des toilettes, dans la queue de centaines de personnes, je vis un poto à moi, un excellent ingénieur du son qui officie en général dans des concerts underground parisiens, aussi une personne adorable, pleine d’esprit et d’humour. Quelle ne fut donc pas ma surprise de me rendre compte qu’en sa personne, il y avait un acolyte cinéphile. J’allai le saluer, nous nous fîmes la bise, échangèrent quelques mots sur le Festival (il avait déjà vu d’autres films, alors que moi c’était ma première journée), puis je lui indiquai que j’allai aller au bout de la file d’attente par respect pour les autres usagers. Il me dit que je pouvais rester à son niveau, et qu’on pouvait entrer dans la salle ensemble, si je voulais. Nous le fîmes, et nous séparâmes une fois entrés dans la salle 300, comme j’aime m’asseoir au fond du cinéma, alors que lui avait besoin d’être davantage proche de l’écran pour des raisons opticiennes. Tout cela pour dire que la présence, littérale et physique, d’un ingénieur du son dans la salle, me parut si providentielle, comme je savais, grâce à Mysterious Skin, le soin qu’Araki apporte au sound design et à la musique dans son cinéma.

Installé dans la salle viciée et surchauffée, ce fut avec un plaisir innocent, ingénu, que je découvris Alexis Langlois, jeune réalisateur de talent, nous présenter T. D. G., en tant que premier film de sa sélection Carte Blanche. Film LGBTQIA+, qui s’inscrit dans le mouvement « New Queer Cinema », issu des années 90, T. D. G. commence par une blague : « A heterosexual film by Gregg Araki ». C’est sur cet effet d’annonce qu’Alexis Langlois alla s’asseoir avec nous pour revoir le film. Et le rêve dans tout ça ? Eh bien, c’est simple, le film est la réalisation, l’accomplissement d’un fantasme personnel total :

  • un film musical post-punk, qui fait la part belle au metal industriel, au shoegaze, à la new wave, à l’electro, autant de genres que j’affectionne particulièrement

  • un film pop-art, parfois schématique, souvent bigarré, emprunt d’un sens de la mode rock et psychédélique

  • un film satirique politisé, qui presque 30 ans plus tard, en dit très long sur l’état des États-Unis, de manière relativement visionnaire

  • un road movie, genre ô combien éculé, mais ici revisité à la sauce absurdiste, surréaliste et tragi-comique

  • un teen movie, où les affres émotionnels des personnages le disputent à leur navigation à travers leurs traumas, leurs passifs familiaux, leur désespoir bipolaire versus leur euphorie pubère

  • un film sataniste, au sens mystique du terme, qui propose une mise en images de la dichotomie duale entre enfer et paradis et une méditation sur les croyances en des forces qui nous dépassent

  • une comédie noire, à la linguistique intarissable

  • un film d’horreur, soit un film de genre, dont la malice réside dans le fait que c’est surtout un film sur LE(S) genre(s), musicaux, cinématographiques, identitaires – cela résonne fort en moi, qui m’identifie genderfluid.

De manière fortuite, la fantasmagorie du film déclencha un mécanisme d’auto-défense et de résistance en moi. La scène d’introduction, au montage épileptique (titres du générique entrecoupés de plans d’un pit avec ses pogotteurs), au son de Heresy de Nine Inch Nails (un de mes groupes préférés, qui enregistra l’album The Downward Spiral dans la maison où Charles Manson et sa secte massacrèrent des gens), nous introduit à la thématique théiste satanique et au couple ‘hérétique’ formé par Jordan et Amy, deux adolescents (environ 18 ans), portés sur le psychonautisme. Nous les suivons après le gig dans leur voiture-autel-hôtel, où ils ont des ébats maladroits. Seraient-ils vierges, posant un premier jalon du genre horrifique, selon lequel le sexe provoque la mort ? De manière pertinente, ils sont interrompus avant réalisation du coït (à ce titre, un morceau non-audible dans le film mais figurant au générique, Penetration, de The Jesus & Mary Chain, paraît judicieux). Agressés par une bande de loubards qui veulent leur peau, ils sont sauvés du drame par Xavier, a.k.a X., le troisième personnage principal, qui tiendra un rôle absolument pivot dans la narration et les dynamiques interpersonnelles entre les protagonistes. Le trio nouvellement créé prend la fuite en voiture, pendant que X., blessé, éponge ses plaies sanguinolentes avec le t-shirt Ministry (groupe de metal indus) de Jordan. Amy déteste X., instantanément, et réciproquement, X. n’est pas tendre avec Amy, qui conduit (fait intéressant : la femme mène – ‘drive’)). Puis, le couple laisse X. sur le bord de la route, après qu’il eut rendu son t-shirt à Jordan. La voiture repart: on a indéniablement affaire à un road movie, ou un film de cavale (on pense à Bonnie & Clyde d’Arthur Penn [1967] ou les films de John Hughes, dont Araki se réclame, selon le travail de recherche de Fabien Demangeot, qui a publié récemment Gregg Araki – Le Génie Queer, aux éditions Playlist Society).

Affamé, Jordan souhaite vivement s’arrêter à une supérette Kwik-E-Mart, pour se sustenter. Amy n’a pas faim, car elle est sous amphétamines. Au moment de payer sa malbouffe, Jordan se rend compte qu’il a oublié son argent dans la voiture. C’est alors que le film bascule vers un délire surréalisto-horrifique : menacés au fusil à pompe par le gérant de la supérette, comme ils ne peuvent pas payer leur consommation (s’élevant à 6,66$ ¹), Amy et Jordan sont à nouveau sauvés par Xavier, qui les a suivis. La bagarre entre X. et le gérant, au son de la musique d’ascenseur qui joue en 
background, est montée de manière ultra-rythmée, dans une succession de plans fixes (à quelques exceptions près), des plan moyens (montrant le comptoir ²), ainsi qu’un gros plan sur les trois enfants du gérant qui, regardant la TV, tournent leur tête pour regarder ce qui se passe. Un premier coup de fusil retentit, lors d’un plan au ralenti. X. crie à Amy et Jordan de prendre la fuite pour qu’iels sauvent leur vie. Elle récupère ses cigarettes tombées par terre. Intervient alors la femme du gérant, qui attaque X. à la machette. Les hot-dogs de Jordan tombent par terre. Les enfants détournent leur regard pour revenir à leur programme TV. Dans la confusion, on ne sait pas la main de qui tape par accident le prix de 49 160,60$ sur la caisse enregistreuse³. Enfin, un deuxième coup de fusil, qui éclabousse de sang tout le monde alentours, décapite le gérant. Sa tête vole, se pose, comme dans un rêve. X. fait glisser ses doigts sur la caisse enregistreuse pour la dévaliser et, comme par hasard (non), un montant de 666,6$ s’affiche. La tête du gérant, plantée au milieu de pain et d’ingrédients à hot-dogs, se met à baragouiner quelque chose d’inaudible, et vomit une pâte dégueulasse, entre du guacamole défraîchi et de la diarrhée de bébé. Le trio dérobe de la bière, et prend la fuite au rythme de ce morceau, dans un plan iconique composé de 4 couleurs lumineuses différentes : le jaune, le bleu, le rouge et le vert. On n’est pas loin du Technicolor de The Wizard of Oz (1939). Il y a également clairement un héritage de Wild At Heart, de David Lynch (1990), qui lui aussi référençait le film de Victor Fleming, qui lui aussi croisait teen movie, road movie, musique et ultra-violence dans une atmosphère dream-like.


Que venons-nous de voir, de vivre, et que faisons-nous dans ce dédale ? Autant de questionnements qui tissent une connexion instantanée entre les personnages et nous, les spectateur.ices. Quelque chose dysfonctionne dans l’univers d’Araki. Après une engueulade composée d’insultes anales (‘rusty rectum loser’) et de prétéritions (‘I love you too’) entre Amy et X.⁴, le trio de personnages cherche un refuge où se cacher le temps que ça se tasse. Ils arrivent à un motel nommé Headless Horseman⁵. Le motel, affublé du nombre 6,66, permet à Araki d’affirmer une tonalité particulière, avec les plus gigantesques sabots possibles, avec un sens du détail volontiers grossier, irréel, surréel, comme cette chambre cramoisie tout droit sortie d’une caricature de plan kubrickien. On apprend que la mère d’Amy⁶ est une ex-héroïnowoman, maintenant membre de la secte de la Scientologie ; son père est mort mais ce n’est pas grave, comme c’était un « porc ». De son côté, Jordan a encore ses parents⁷. Puis, pour la première fois dans le film, X.⁸ montre patte blanche (animalesque comme il est) ; il confie que sa mère a tué son père par balle, puis a retourné l’arme contre elle. Portant la mort en lui, mais doté d’impetus vers la vie, allongé sur le lit, il laisse apparaître son t-shirt floqué de l’acronyme D.A.R.E. (Drug Abuse Resistance Education), un programme anti-stupéfiant à destination des jeunes. Ce t-shirt, vecteur ironique de l’état altéré de conscience des personnages, ivres et/ou high, et les confidences sur leur background, les ramènent à une réalité âpre qui, après tant d’onirisme, constituèrent pour le spectateur que je suis une somme d’informations quelque peu écrasante. Je sentis les mécanisme d’auto-défense et de résistance au film s’intensifier.

Pour faire le balancier, mais aussi corroborer le réveil amorcé par ces quelques dialogues, Amy va prendre un bain, pour un moment doux en perspective. Le plan sur son corps, complètement nu et sa poitrine saillante, participe d’une certaine crudité voluptueuse et d’un aspect totémique, presque glorificateur, empouvoirant, lié au corps, qui innerveront le reste du film. Pendant ce temps, Jordan et X. regardent la TV⁹. Déjà palpable dans la voiture, la tension homo-érotique et sexuellement fluide entre les deux jeunes hommes est évidente. On sent qu’Araki se retient, cherche à confirmer l’ironie du sous-titre (‘Un film hétérosexuel’), avec une pudeur en carambolage avec le refoulement d’une forme avérée de bisexualité. Comme un candide, Jordan explique à X. que « ça fait longtemps » qu’il est en couple avec Amy, soit « trois mois ». En réponse, Xavier se fait maître d’un temps qu’il distend, et rétorque que lui, ses relations, ça ne dure que « trois jours… ou trois heures », ce sur quoi Jordan rebondit en disant que les relations, « ça craint¹⁰ ».

Jordan s’émerveille du tatouage de Xavier : la linguistique corporelle du film suggère sa dimension biologiqueDe manière intéressante, Jordan veut un tatouage aussi, mais il verbalise que c’est « pour le reste de la vie, un grand engagement ». Le temps, son écoulement et le poids de la responsabilité de grandir dans ce flux irrémédiable, hantent les personnages. Extrait du moment présent, et au lieu de rouler une pelle à Xavier, comme ils s’attirent mutuellement, Jordan lui rote à la gueule, prend congé, appelé par son envie de « pipi » (‘take a wizz’). Le clash de maturité, où les personnages oscillent, comme des funambules en déséquilibre, entre l’âge adulte et l’enfance, entre toutes les phases freudiennes théoriques (orale, anale, phallique, latente, génitale), se confirme lorsqu’après avoir fait ses besoins, Jordan rejoint Amy dans la baignoire, pour baiser. La caméra nous ramène à l’extérieur de la salle de bain, dans la chambre, où Xavier prend connaissance des news, qui relaient la décapitation du gérant du Kwik-E Mart, Nguyen Kok Suk¹¹. C’est peut-être là que le film d’Araki se montre complaisant envers une forme délibérée de mauvais goût : tout est très tendancieux, proche de la phobie LGBTQIA+ refoulée.


Au milieu de la nuit, la présentatrice des informations explique que la tête a continué de parler jusqu’à 2h39 du matin, nous rappelant au cauchemar traumatique qu’a été cet évènement. On apprend aussi que géographiquement, l’intrigue a lieu dans les environs de San Fernando, en Californie, terre natale d’Araki. Temporalité et localisation sont connues, maîtrisées, pourtant subverties, convertis en 
wasteland post-apocalyptique. Ils contrastent avec la nature onirique de la scène de la supérette. Xavier se fait craquer le cou¹², comme pour se maintenir éveillé. Sur le lieu du crime, on a retrouvé une boucle d’oreille à tête de mort, accessoire « souvent porté par des homosessuels¹³, des satanistes et des membres d’autres sectes dangereuses ». Le deuxième présentateur, apparu à l’écran comme une fenêtre pop-up, lui répond : « mais n’est-ce pas vrai que beaucoup de gens, notamment des ados branchouilles qui tombent dans les phénomènes de mode les plus récents, des gosses qui sont par ailleurs parfaitement normaux, ne portent-ils pas des boucles d’oreilles similaires à celle qu’on voit sur les images ? ». La thématique de l’hétéronormativité dans la structure sociétale du patriarcat se pose là comme un autre jalon dans le film. La boucle d’oreille ne sera qu’anecdotique, comme un red herring de thriller.

Entre-temps, X. s’est levé et se dirige ‘en chien’ vers la salle de bain. Dans l’entrebâillement de la porte, grâce à un miroir, il a un accès visuel aux ébats d’Amy et Jordan. Il commence à se masturber, son visage toujours ensanglanté. Les plans montrent Xavier écarquiller, puis baisser les yeux, se concentrer sur l’ouïe, se pincer le téton – le trio jouit en même temps. Haletants, Amy et Jordan ne verront pas X. se délecter de son propre fluide, avant qu’il n’interrompe leurs chamailleries infantiles post-coïtales en pénétrant dans la salle de bain. Il comme rugit: « J’ai tellement faim que je pourrais manger ma propre jambe ». Araki cannibalise ici son propre propos, avec un artillerie lourde de suggestions érotiques et body-horroresques.

C’en était sans doute trop pour mon cerveau et mon corps. Le film m’a mis face à quelque chose de si intime, de si identifiable, de si refoulé, que son rythme, pourtant jusque là effréné, cette course dévorante à la plus intense des petites émotions, la plus insaisissable des connexions à l’autre, me mit dans une transe hypnotique dont seul le fracas des dernières vingt minutes du film me tira. Je fus comme bercé dans un sommeil cinématographique, et ne suivit les pérégrinations des personnages vers l’acmé que par bribes de réveils, et par la bande originale, entièrement intradiégétique. Pour illustrer mon propos, vous pouvez reproduire mon expérience, sans besoin de voir le film¹⁴, en écoutant à la suite les morceaux suivants :

Impossible pour moi de vous raconter la fin. Ce sera votre prérogative de découvrir par vous-mêmes ce qui s’y joue. Ce n’est pas un film classé dans le genre « apocalyptique » pour rien. Trigger warnings à balle. Je vous conseille de faire l’expérience de ce film. Elle ne pourra jamais être identique à la mienne, et quelque part, heureusement! Mais je vous garantis que The Doom Generation mérite son statut de film culte. C’est une déflagration de l’esprit et du cœur, un bonbon si acidulé qu’il vous transporte pire qu’un trip sous drogue, mais bon pour la santé. Car le monde a besoin d’un cinéma qui ose comme Gregg Araki l’a fait en 1995. Abasourdi, je fus rejoint par mon poto, qui, au moment de sortir de la salle, me demanda ce que j’en avais pensé. Je lui répondis que j’avais kiffé, et donnai ce que je crois a été mon premier film 5* sur Letterboxd, dans un état d’urgence, de confusion, mais certain de l’évidence d’avoir entreaperçu un OVNI cinématographique.

Sur cette histoire, vous pouvez sereinement terminer cette aporie de chronique « rêvée », en écoutant Blue Skied An’ Clear, de Slowdive, un Dorito à la bouche, en espérant, comme votre « loverboy » de chroniqueur, vous réveiller de ce film hétérosexuel.


¹ Pour une aparté musicale dans votre lecture, aller par ici.

² Le comptoir, dont l’écriteau America, you love it or you live it, sans faire de téléologie, recycle la politisation à droite de l’ère reaganienne, et annonce celle de Trump, est tenu par une personne issue de la minorité asiatique. Mon hypothèse est que cet élément sert de scène théâtrale au scuffle et pourrait suggérer qu’Araki, métisse nippo-américain, cherche l’auto-dérision, voire la satire, d’une Amérique en lutte avec son propre racisme systémique.

³ Le nombre n’a d’ailleurs aucun sens particulier, créant de l’absurde.

⁴ X. tente de minimiser les risques qu’iels encourent et délivre au passage une phrase de racisme ordinaire envers la femme du gérant – ‘she probably doesn’t speak English’ – un autre coup de couteau d’Araki à ses propres personnages.

⁵ Cavalier sans tête = légende urbaine horrifique, mais aussi personnage du livre de l’Apocalypse selon Jean.

⁶ Amy, dont le nom de famille est Blue – faîtes de ce symbole ce que vous voudrez, c’est là la grande intelligence d’Araki.

⁷ Il se nomme White, soit la lumière, l’espoir, l’optimisme.

⁸ Dont le nom complet X. Red symbolise l’interdit, le rough sex, la pornographie, le danger, le sang, la maladie du SIDA…

⁹ Élément prépondérant,à l’influence allant du toxique au cathartique, l’écran dans T.D.G. devient aussi écran de surveillance, dans une Amérique paranoïaque.

¹⁰ Il y a une déperdition linguistique pour nous, public français : « relationships bite », littéralement « les relations, ça mord ». Cette coloration animalière a déjà eu plusieurs occurrences, et sera un autre des nombreux fils (prononcez le mot comme vous voulez, au sens textile comme au sens familial) rouges du film – c’est ainsi qu’Araki tisse du lien.

¹¹ Auditivement : ‘Nguyen Suce Bite’, sur-traduit dans le sous-titrage par « Pinh Dang Ku – CQFD.

¹² Encore le corps, toujours le corps, chez Araki.

¹³ La présentatrice prononce vraiment le mot ainsi, ndlr.

¹⁴ Les quarante minutes du film que j’ai ‘manqué’ dans mon sommeil ne sont constituées en fait que d’une reproduction avec beaucoup de symétrie(s) du schéma filmique initial : drogues, masturbation, sexe queer accompli et/ou refoulé, violence par armes à feu, abus, enfance versus âge adulte, optimisme versus désespoir, ultra-violence grand-guignolesque versus tendresse, scènes-chocs versus plage contemplative).

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