Chronique-interview autour de The Texas Chainsaw Massacre, de Tope Hooper (1974), feat. Kinowombat.
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50
ans après sa sortie aux Etats-Unis, Massacre à la
Tronçonneuse (The Texas Chainsaw Massacre) ressort en
salles.
J’ai eu la chance d’assister à une projection. Ce
qui m’a frappé, ça a été le vacarme du sound design, à la
limite du supportable, une réelle expérience physique et
sensorielle.
Toi
qui aimes beaucoup le film, parle nous de la manière dont le
traitement du son dans le film t’a marqué.
[Quentin
Tarantino // Kino Wombat] :
Bonjour et merci Ruby pour l’honneur que tu me fais en me proposant
cet entretien. Alors mon rapport intime vis à vis du film n’ a
cessé d’osciller, de moduler, de se métamorphoser au fil des
années et décennies. Les premières fois où j’ai exploré ce
cauchemar lancinant et chaotique de Tobe Hooper, c’était en
cachette sur mon petit lecteur DVD portable avec des amis. J’avais
13 ans.
Pour ne pas se faire surprendre par les parents, le son
était réglé au minimum, et lors de certains hurlements, nous
coupions même le son par peur d’être surpris. Cette dimension
sonore avait alors du mal à germer.
J’ai découvert pleinement Massacre A La Tronçonneuse en 2013, lors d’une séance spéciale où le film a été projeté en 35mm. Le sound design du film m’a alors déchiré les tympans, fixé à mon fauteuil. C’était très fort, extrêmement strident, d’une violence inouïe. Difficile de mettre des mots sur une telle déferlante, magma de cris et d’outils métalliques, maelstrom de vrombissements et de chair qui exulte.
A ce jour, et même si la puissance est toujours profondément troublante, je n’ai pas retrouvé cette crasse et barbarie sonore, les restaurations ont un peu trop épuré ou nettoyé ces saletés pugnaces. Cependant il reste que le travail sonore de Massacre à la tronçonneuse dépasse le simple accompagnement et propulse l’expérience aux frontières du cinéma expérimental, là où la conscience faiblit pour toucher des ailleurs redoutables. Il serait fascinant de découvrir le film dans une salle plongée dans l’obscurité avec uniquement le son de l’oeuvre, un voyage quelque part entre noise et ambient maladif.
[RUBY] La
seconde chose qui m’a surprise lors de mon visionnage en salle,
c’était qu’elle était quasi-comble, un après-midi d’un jour
de semaine en plein été.
Comment
expliques-tu cet engouement en présentiel pour ce film?
[QT//KW] Depuis sa sortie, son passage par La Quinzaine Des Réalisateurs, Massacre à la Tronçonneuse est un film qui attise la curiosité, et surtout qui porte encore les fruits de son interdiction, durant 8 ans, et de son raz-de-marée à sa sortie VHS chez René Chateau.
Au-delà
de cette aura, les visuels qu’il s’agisse des affiches ou images
promotionnelles du film ont toujours également été extrêmement
percutants.
Contrairement à bon nombre de films sortis en VHS
avec des couvertures racoleuses, Massacre
à La Tronçonneuse est
un des rares à tenir ses promesses : « After you
stop screaming, you’ll start talking about it. »
Le
bouche-à-oreille a fonctionné. Le film est parvenu à traverser les
générations.
Il y a peu, je me suis trouvé confronté au
livre Les
Doigts Rouges écrit
par Marc Villard.
Il s’agit d’un livre étudié à l’école
élémentaire autour du genre policier. Lors d’un chapitre, le
jeune garçon pris d’angoisses et d’une imagination débordante
autour d’un possible crime qui n’a jamais eu lieu, se trouve
traversé par la réflexion suivante : « Alors Ricky passa en
revue tous les événements des deux derniers jours : la disparition
de Bruno Ségura, la gêne de Georges, le sang sur les mains de son
frère, la grange bouclée, le sac en plastique.
Puis,
subitement, il se souvint aussi de la tronçonneuse. Les images
épouvantables d’un film interdit aux moins de treize ans
s’imposèrent à son esprit. Massacre
à la tronçonneuse mettait
en scène un assassin qui découpait les gens en morceaux. »
Massacre à La Tronçonneuse a pleinement intégré la pop culture, le film est désormais même mentionné dans des ouvrages étudiés à l’école dès 9 ans. Le film de Tobe Hooper est un spectre qui risque de planer durant de nombreuses décennies, si ce n’est même tant que le cinéma continuera d’exister.
Les salles seront ainsi toujours pleines pour une telle promesse de frissons.
[RUBY] J’ai
découvert le film en VHS louée en Vidéo-Club, une
édition René Chateau.
Dans
quel contexte (support, temporalité, lieu) as-tu
découvert Massacre pour la première fois? Parle-nous de
cette découverte.
[QT//KW] C’est une longue histoire… Lecteurs, vous allez me maudire face à la longueur des réponses…
Massacre
à la Tronçonneuse fait
partie intégrante de ma cinéphilie depuis que j’ai 7 ans.
Ce
jour-là, j’étais chez mon père, durant un repas de famille. Un
oncle, pendant la conversation, demanda aux autres adultes s’ils
avaient vu ce qui allait passer dans les jours prochains en film de
minuit sur Canal +. Le nom du film ne lui échappa pas, afin de
préserver les enfants en présence. Néanmoins, à l’instant même
de cette phrase, je me suis levé et j’ai couru jusqu’aux
toilettes, programme TV en main. J’ai feuilleté jusqu’à tomber
sur Massacre
à La Tronçonneuse et
une photo de Leatherface.
Cette
image a hanté mon esprit durant 5 années.
Leatherface était
devenu mon croque-mitaine.
Je le voyais partout dès que
l’obscurité prenait place. Sous mon lit, dans les placards, à la
cave, dans le local poubelle… Chaque nuit, l’horreur
recommençait. J’en venais à en parler à l’école, à inventer
la trame du film pour briller devant mes camarades en disant que
j’avais vu le pire film du monde. Une fois seul, dans ma chambre,
les angoisses venaient à renaître.
Il
aura fallu attendre mon passage en 5eme pour enfin voir la bête. Je
pouvais sortir seul une heure durant le samedi après-midi.
Avec
un ami, argent de Noël en poche, nous sommes allés en skate à la
Fnac la plus proche pour mettre la main sur cette promesse de
terreur, et une véritable séance d’exorcisme de mes peurs
tenaces. Une fois arrivés à la maison, nous avons sorti mon lecteur
DVD portable et avons lancé le film.
Et
là… Quelle déception… Tout mon imaginaire s’écroulait,
l’oeuvre cauchemardée n’existait pas. Les récits inventés et
sordides étaient bien loin.
Mon esprit avait conçu un fantasme
plus proche de l’horreur du film de Marcus Nispel.
Finalement, ma mère est tombée sur le DVD qui était caché. Afin d’être sûr que certaines séquences n’aient pas entaché ma rétine, elle voulut qu’on revoit le film ensemble pour s’assurer que je n’avais pas vécu de traumatisme, et surtout, pour tenter de m’expliquer l’inexplicable, l’horreur absolue : Massacre à La Tronçonneuse.
[RUBY] Quentin
Tarantino, le réalisateur, parle, dans son essai Cinéma
Spéculations, de Massacre en tant qu’un des « rares
films parfaits jamais réalisés ».
Dans
quelle mesure partages-tu cette opinion?
[QT//KW] Bien
que nous partagions le même nom avec Quentin Tarantino, je dois bien
t’avouer que le concept de perfection en matière de création est
assez délicat à mes yeux.
Ici, c’est tout l’inverse, il
s’agit d’un film traversé de multiples imperfections, de
maladresses.
Massacre
à La Tronçonneuse est
un film sauvage, le fruit de la rétine d’un Tobe Hooper totalement
libre et honnête, sans pression de studios, face à sa créature et
son chaos intime.
C’est la force du cinéma indépendant fauché: il regorge de trucs et astuces, de bouts de ficelles, transpire un réel agonisant, et propose un résultat pur, dépassant les circuits de financiers cinématographiques. C’est d’ailleurs, avec Eggshells, la réalisation la plus proche de ce qu’est intimement Tobe Hooper, un rêveur emprisonné par un réel poignardé de désillusions.
La yellow brick road est recouverte de sang, le flower power pourrit, Dorothée est enfermée dans un rêve devenu cauchemar purulent.
Je ne crois pas en l’oeuvre parfaite, tout du moins, elle ne pourrait pas être humaine, et j’espère ne jamais rencontrer cette lumière artificielle et annihilatrice. Je préfère les ombres puantes et vivantes.
[RUBY] Le
film a été marqué par son tournage-guerilla, indépendant et à
petit budget.
Quels
trucs et astuces l’équipe du film a t-elle trouvés pour créer le
suspense et l’effroi du film?
[QT//KW] Je n’aime pas entrer dans certains coulisses de mes films-songes. Je ne veux pas entacher l’expérience d’autres rêveurs et pourtant, il y a tant à dire sur le sujet, car l’effroi et le côté DIY de ce tournage sont fascinants.
Concernant ce voyage des trucs et astuces, des conditions de tournage, je laisse les lecteurs se tourner vers les écrits de Julien Sévéon. Il a tant dit, tant écrit, tant raconté sur le sujet Massacre à La Tronçonneuse ! Plongez, c’est magnifique.
[RUBY] Peut-on
trouver dans Massacre des tics techniques et thématiques
représentatifs des œuvres postérieures de Tobe Hooper ? En un mot,
est-ce que Massacre est typique de la filmographie du
regretté réalisateur ?
[QT//KW] Chez Tobe Hooper, l’atmosphère de Massacre A La Tronçonneuse ne reparaîtra jamais véritablement, ce dernier étant continuellement engoncé entre les studios, et son inspiration ne cessera de sa tarir, feu follet chassé.
Cependant, il y a bien une trame traversante dans cette carrière instable et pourtant obsédante : la poursuite des rêves devenus cauchemars. De Salem’s Lot à Poltergeist en passant par The Funhouse, Le Crocodile De La Mort ou bien même Mortuary, les boogeymen sont légions, il y a l’écho de ces terreurs que l’on ressentait lorsque nous étions enfants, ces peurs irrationnelles qui prennent vies une fois passé le porche de notre maison, une fois le placard ouvert sur les mondes périphériques, allant des rednecks aux esprits du placard, jusqu’aux fins fonds de l’espace.
[RUBY] L’ouvrage Slashers
– Attention, ça va couper, indique que « si Massacre est
dans l’esprit de nombreux spectateurs rattaché au slasher, il
relève en réalité du survival ».
Trouves-tu
que la porosité entre les deux genres dans le film constitue en fait
sa force?
[QT//KW] Effectivement, les deux genres se touchent, il y a porosité, mais c’est surtout le slasher qui tend au survival, qui en est une forme de résultante possible. Le slasher serait alors, dans ma perception, une excroissance, un sous-genre du survival. Le survival en soi n’est pas slasher.
[RUBY] Dans
le podcast Sleazoids,
qui propose des analyses de double feature, les animateurs ont
associé Massacre au film japonais Tampopo.
Tarantino
a découvert Massacre en 1976 lors d’une soirée où il
était couplé au giallo intitulé Torso de Sergio
Martino. En Angleterre, des extraits de Massacre ont
accompagné une projection d’Un Chien Andalou de Luis
Buñuel.
Si
tu présentais Massacre lors d’un double feature,
quels choix de programmation et d’organisation ferais-tu pour un
évènement pareil, et pourquoi?
[QT//KW] J’ai déjà assisté à deux double feature comprenant Massacre à La Tronçonneuse par le passé. Des séances autour de la figure de Ed Gein, tueur sordide ayant inspiré plusieurs cinéastes pour leurs récits de terreur.
En
2013, la double séance 35mm au cinéma Mercury de Nice, comprenait
en première partie de soirée Le
Silence Des Agneaux,
puis en seconde partie de soirée Massacre
à La Tronçonneuse.
En
2014, une soirée animée par Jean-Jacques Bernard et Philippe Rouyer
à la cinémathèque de Nice proposait de découvrir à 18h Massacre
à La Tronçonneuse et
à 20h Psychose réalisé
par Alfred Hitchcock.
Si j’avais à proposer aujourd’hui une double séance avec Massacre à la Tronçonneuse, il y aurait deux possibilités :
-
Une séance avec La Maison Des 1000 Morts réalisé par Rob Zombie : c’est, à mon sens, le film qui a le mieux saisi le travail de Hooper, qui a réussi à en extraire la moelle, pour offrir un spectacle véritablement terrifiant. Rob Zombie est parvenu à poursuivre le sentier dévoilé, sans jamais se vautrer dans la copie, faisant preuve d’une ingéniosité stupéfiante.
-
Une séance avec Begotten, réalisé par Elias S Merhige : si l’on parvenait à extraire la matière expérimentale malade, sous forme de molécule, du Massacre à La Tronçonneuse de Tobe Hooper, et qu’on laissait cette dernière devenir créature organique indépendante, cela donnerait assurément ce dédale expérimental éprouvant qu’est le film d’Elias Merhige.
C’est aussi un des seuls films à m’avoir autant hanté que l’oeuvre de Hooper.
[RUBY] Dans l’essai Midnight Movies de J. Hoberman & Jonathan Rosenbaum, Massacre est décrit ainsi: « comme La Nuit des Morts-Vivants, [le film] a fait la transition des cinémas en plein air type drive-in pour devenir un film culte, puis un film de minuit ». Parle nous de la dimension politique, du statut culte et controversé du film, souvent considéré comme un brûlot, ainsi que son inscription dans une tradition (déjà fournie en 1974) de films de genre à portée symbolique.
[QT//KW] Tobe
Hooper, avant la réalisation de Massacre
A La Tronçonneuse,
s’est intéressé à la génération Flower Power, au mouvement
hippie avec son premier long-métrage Egshells.
C’est
un courant révolutionnaire majeur au cœur d’une Amérique
puritaine, envoyant ses enfants au Vietnam, devenant de la chair à
canons, pour une histoire d’ego trop gonflé.
Ici
avec Massacre
à La Tronçonneuse,
quelques années après, il questionne la limite de cette utopie et
sa déconfiture face une Amérique rurale abandonnée et laissée à
sa dégénérescence. La création de Tobe Hooper est l’histoire
d’un coup d’oeil sur les bordures d’un modèle en proie à
l’effondrement, bâti sur des carcasses et des cadavres.
L’oncle
Sam baigne dans les viscères.
[RUBY] Dans
le même essai, les auteurs parlent de Massacre comme un
« film post-John-Waters qui tâche ».
Que
penses-tu de ce rapprochement?
[QT//KW] Il
y a cette dimension commune d’outrepasser ce que peut tolérer le
regard spectateur. Tobe Hooper ose des thématiques intouchables avec
le cannibalisme, et le renvoi à l’humain à sa chair possiblement
consommable.
Il pousse les curseurs assez loin sur ce que peut
endurer, ingérer et supporter le corps.
Une approche que John Waters décuple avec sa dimension performers… Quoi que le tournage de la scène du repas, lorsque vous aurez lu les lignes de Julien Sévéon, risque bien de pousser votre perception de la séquence dans une dimension allant au-delà de la simple mise en scène cinématographique.
[RUBY] La
page Happy
Meal du Rockyrama N°30
et un chapitre de l’essai Après La Nuit Animale de
Jonathan Palambo tissent le rapport entretenu par le film avec la
nourriture, la condition des bêtes dans les abattoirs et le
végétarisme/veganisme.
Le
film t’a t-il marqué à cet égard? Si oui, quelles réflexions te
viennent en lien avec le film quant à ces questions éthiques encore
actuelles?
[QT//KW] Il y a cet abattoir en périphérie de la demeure familiale de Leatherface qui est un spectre effroyable recouvrant une grande partie du film. Une vision qui porte plus loin qu’un décorum, mais comme la résultante d’une industrialisation du meurtre animal. Ce n’est pas un geste anodin d’ôter la vie d’un animal. Cela relève d’une barbarie profonde, surtout lorsque cette dernière s’aligne sur des motifs du fordisme.
Le frère de Leatherface parle d’ailleurs d’un ancien plaisir d’abattre le bétail à la masse, son oeil s’éclaire, jouit, et atteste d’une aliénation de l’esprit à force d’évoluer dans la souffrance, la chair et le sang.
A l’adolescence, je ressentais cette dimension, mais n’y portait pas attention. Aujourd’hui, lorsque je vois le film, je suis pris de vertiges, et une scène du remake de Nispel me trouble peut-être encore plus, lorque Jessica Alba vient à trouver refuge dans les carcasses suspendues, qu’elle ne fait alors plus qu’un avec la chair à consommer. Si nous sommes prêts à élever des êtres sensibles pour les massacrer et les dévorer, alors pourquoi ne serions-nous pas capable de cannibalisme. Soleil Vert se rappelle à moi. L’humain est la plus dégoûtante des créatures. Les abattoirs sont loin des regards, on n’y pénètre jamais. Le lien entre viande et vie s’est évaporé, on consomme aveuglément. Hooper tisse à nouveau ce lien et nous l’inflige.
[RUBY] Comment
expliques-tu la disparition du mot Texas dans le titre français?
Le
film va-t-il au-delà de son identité américaine et texane?
[QT//KW] Je ne l’explique véritablement que par une chose, notre incapacité à traduire les titres de films. Je n’apprécie que peu de changer les titres originaux. C’est un peu retirer une aura, une pensée, et laisser à un service de com’ à objectif commercial trouver le titre le plus putassier pour le vendre au pays d’exploitation…
Prenons l’exemple de Kuroneko, le titre japonais offre un parfait mystère, une force magnétique, une curiosité flamboyante. Et pourtant, lors de son exploitation en salles le film a connu deux noms : Les Vampires et Le Chat Noir. Le premier titre est mensonger et joue sur un cinéma gothique lointain et le second titre ravive une parenté malvenue avec Poe. Là où Kuroneki s’empare du folklore japonais, ici bafoué par une traduction hasardeuse.
The
Texas Chainsaw Massacre est
un film qui n’aurait pu naître qu’au Texas, des mains et de la
rétine d’un texan qui a compris les espaces, la population et
l’histoire de la terre. C’est une histoire de kenopsia en fin de
compte.
C’est la raison de cette grande réussite, la capacité
d’Hooper à exhumer un récit grondant issu des terres et horreurs
connues par le sol l’ayant porté.
[RUBY] André
Bazin a décrit un type de films qui capturent les personnages pour
les voir sombrer dans les ténèbres.
Dans
quelle mesure cette formulation s’applique à Massacre?
[QT//KW] C’est
étrange, car dans le cas présent, et même si l’on suit les
personnages, on ne les rencontre jamais véritablement.
Le background de
cette assemblée de jeunes est trouble.
L’attache envers ces
derniers est secondaire. Cependant, la théorie de Bazin trouve prise
dès lors que le calvaire de Sally débute.
Hooper ne
s’intéresse pas au personnage, mais creuse la dégénérescence de
sa psyché, et plonge jusqu’aux dernières limites du tolérable.
Un
mouvement qui pousse encore à définir Massacre
A La Tronçonneuse comme
un film expérimental et atmosphérique, qui touche à une texture du
réel en n’ancrant jamais ses protagonistes dans un artifice viable
de fiction, de narration.
[RUBY] Selon
Hooper dans son commentaire audio du film, il a fallu 8 ans, soit sa
sortie en France et en vidéo, pour que le public saisisse l’humour
du film.
Parle
nous de ce ton paradoxal entre terreur et rires qui inonde le film.
[QT//KW] Effectivement,
il y a cette tonalité comique dès le début du film, qui permet de
mettre dans une confiance instable le spectateur durant la première
partie de l’oeuvre.
Dans son second acte, l’humour revêt un
costume déviant, c’est le rire des maniaques face à la proie.
C’est un humour de dément que l’on peut pénétrer seulement une
fois le film assimilé. Une dimension qui n’a cessé de renaître
ces dernières années que cela soit dans Jeepers
Creepers, The
Loved Ones, The
Human Centiped,
mais aussi dans le tout récent Terrifier
3,
qui fait basculer dans son dernier quart l’humour noir vers la
farce sordide. Sacré farceur d’avant-garde, ce Tobe.
[RUBY] Un mot sur les autres films (suites, remakes, dérivés) de ce qui est maintenant la saga Massacre?
[QT//KW] C’est assez confus, cette histoire de suites. Le succès du premier film a engendré un peu tout et n’importe quoi. Mais il y a quelques belles réussites dans ce pot-pourri :
-
Massacre à La Tronçonneuse 2, réalisé par Tobe Hooper : réinvention hystérique de la famille de Leatherface. Le cinéaste s’embarque dans une relecture comique et carnavalesque du premier film.
Et malgré ce que l’on pourrait croire de prime abord, Hooper continue de nous parler des Etats-Unis et ses rejets.
De plus, un certain Bill Moseley infecte la toile, acteur que nous retrouverons à son firmament dans la famille Firefly chez Rob Zombie. -
Massacre à La Tronçonneuse réalisé par Marcus Nispel : peut-être le plus grand remake d’une franchise horrifique.
Cette mouture a une crasse rance et une atmosphère qui obstrue les moindres pores de la peau. Un miracle.
Pour le reste, cela ne sert plus qu’à accompagner une soirée pizza entre amis et rire béatement devant l’hérésie.
[RUBY] Dernière question : selon tes goûts personnels, quels films penses-tu que Hooper aurait aimé découvrir qu’il ne verra jamais après son décès en 2017, et pourquoi?
[QT//KW] Tobe Hooper est décédé le 28 août 2017, et dans le meilleur des mondes, j’espère qu’il a eu la chance de découvrir un film sorti en juillet 2017 : Kuso réalisé par Flying Lotus.
Ce long tunnel, cauchemar expérimental parlant d’une population pleine de névroses, mutations, qui a accepté de vivre dans le cauchemar et qui s’est laissé inonder par l’horreur. Je ne sais pas s’il aurait apprécié, mais tout du moins, il aurait observé un véritable vivier de créativité, dans un monde où tout le monde se copie et n’essaie plus de créer avec les tripes.
Sinon, je dirais n’importe quelle merde horrifique qui sort chaque trimestre en salle, histoire qu’il ne regrette rien.
[RUBY] Un remerciement chaleureux à Kinowombat pour le temps consacré à cette chronique-interview.
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