La Bouche de Jean-Pierre, de Lucile Hadžihalilović (1996)


"Je me souviens du choc qu'a été La Bouche de Jean-Pierre": c'est avec ces mots de Fabrice Du Welz, au micro de Mauvais Genre sur France Inter dans l'émission du 7 septembre 2024 consacrée aux 30 ans de l'Étrange Festival, que je me familiarise pour la première fois avec le nom de Lucile Hadžihalilovič.

"LA FRANCE AUJOURD'HUI"

Retelling du conte du Petit Chaperon Rouge, ce moyen-métrage maîtrise le champ et le hors-champ comme rarement il m'a été donné de voir.

La perspective méta, mobilisant autant l'émission TV de l'époque Le Glaive et La Balance qu'un extrait de porno, constitue un geste de cinéma conscient de lui-même. Mais non contente de dresser un réquisitoire contre la pédocriminalité banalisée, la misogynie internalisée, et les affres d'une société dont la maladie mentale s'avère intraitable ou intraitée, la réalisatrice propose un cauchemar poétique entre le documentaire et l'hallucination.

Faisant jouer les 5 sens à plein régime, La Bouche de Jean-Pierre devient un vertige claustrophobe en plein milieu d'une cité HLM d'une ville anonyme. Le film ne raconte pas de salade, avec l'exceptionnelle et tranchante crudité de ses dialogues, sa monstration de la sexualité, et le pouls qu'il prend d'une France qui n'a pas bougé depuis.

Presque 30 ans après sa production, c'est un plaidoyer vibrant pour la protection de l'enfance, déchirant aux larmes, obsédant, fascinant et ô combien essentiel, dans lequel ce-tte cinéphile souhaite rester.

Exceptionnel, et la révélation d'un immense cinéaste.

Extrait du livre: 30 ANS D'ÉTRANGE FESTIVAL (Carlotta, 2024)

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