Naufraage 🇫🇷 : interview musicale # 8
Naufraage est un groupe de screamo français que j'ai découvert sur scène le 16 juillet 2025 à l’occasion de leur premier concert organisé par Headache Booking. Happé par folle sincérité de la musique proposée, je pris une sacrée claque, me rappelant les meilleurs concerts DIY dans des squats.
J'ai voulu en savoir davantage. C'est alors avec une joie incommensurable que le groupe a accepté de s’entretenir avec moi dans cette nouvelle interview musicale exclusive, au moment où le premier EP du groupe, Les Déferlantes, vient de sortir chez Tout Doux Records pour tout faire voler en éclat dans la scène hardcore française.
Mise en lumière d'un groupe ultra prometteur, et les nombreuses raisons valables d'écouter leur travail.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le pourquoi du comment la formation du groupe, les membres qui le composent.
Le groupe a vu le jour autour de retrouvailles entre Matt et Saihb, autour d'une session démontage de barnum, après avoir passé la soirée à faire des reprises de Limp Bizkit et Deftones (deux piliers du mouvement nu-metal, ndlr). On s'est dit que ce serait cool de revenir aux sources. On a toujours fait de la musique ensemble, depuis le début des années 2000, que ce soit dans des groupes séparés sous forme de collectif, ou après dans Madame de Montespan et Cathedraal.
Ça ,c'était en juin 2024, et on s'est mis au travail directement. Après pas mal de mois de composition et production, on a sorti un premier single, Infortune, et Headache Booking nous a proposé des dates, dont une en juillet. Donc on s'est mis en quête de musiciens, et comme on a plein de potes talentueux on a pas eu à chercher bien loin ! C'est là que Corentin de Submariner et Dam de Vantre ont rejoint l'aventure !
C’était notre premier concert avec NAUFRAAGE au complet, la première fois que les morceaux prenaient vie devant un public.
Forcément, un peu de stress — on parlait de concert “crash test”.
Mais avec la super orga de Headache Booking, l’accueil du Cirque Électrique et le public au taquet, c’était carrément la première date rêvée.
On a passé pas mal de temps à discuter avec L’Idylle, et c’était vraiment une belle rencontre : on partage pas mal d’influences et la même passion. On espère rejouer avec eux bientôt.
Quant à Cainhurst et Knumears, ils nous ont tout simplement mis une grosse claque dans la tronche. Très classe !
Une très belle date, du début à la fin !
Pourquoi Naufraage contient 2 lettres A?
Le deuxième “A”, c’est un clin d’œil à notre ancienne formation Cathedraal, qui comportait déjà deux A.
Et puis, soyons honnêtes : ça rend le mot un peu bancal — donc plus facile à remarquer et à retenir.
Vous jouez un mélange hardcore entre clarté et chaos. Est-ce venu naturellement, consciemment ?
On vient tous de formations screamo et metal, donc ce mélange s’est fait assez naturellement.
Pour NAUFRAAGE, l’idée était de pousser le curseur plus loin : plus sombre, plus metal, plus viscéral.
Mais on voulait aussi que l’ensemble reste digeste, donc on a ajouté des passages plus progressifs et mélodiques, pour que l’écoute soit fluide du début à la fin.
On aime cette tension entre ce qui est limpide et ce qui devient totalement incontrôlable.
Ce n’est pas un calcul, juste ce qu’on avait envie d’entendre dans un groupe de metal bien dark.
Concernant vos influences, j'ai senti pas mal de groupes comme Mihai Edrisch, Déluge ou Amenra. Parlez nous de vos influences (genres musicaux, artistes musicaux, mais aussi autres formes d'art).
Oui, tout ça est juste. Mais on écoute aussi des choses très éloignées du metal : du jazz, du baroque, de la techno… et parfois du silence.
Pour les voix et les ambiances, Soap&Skin et Chelsea Wolfe ont eu une grosse influence, même si ça ne s’entend pas toujours directement.
Côté screamo, on peut citer Mihai Edrisch, Gameness, Belle Époque, Impure Wilhelmina, Converge… et plein d’autres.
Ce qui nous relie, c’est cette idée d’artistes capables de transformer la douleur en quelque chose de lumineux.
Et hors musique : les tempêtes, les ports déserts, les églises abandonnées, les tableaux du XIXe, les films qui sentent la fin du monde…
Votre univers tourne autour de l’apocalypse (notamment religieux). Croyez-vous qu'il est alors possible de créer à partir de ce qui a attrait au néant, paradoxalement ?
Ça peut sembler déprimant, mais ce sont avant tout des chansons d’amour.
Quand tout s’effondre, il faut trouver la force de se relever. Ce n’est pas toujours simple, mais créer, hurler, tout sortir… ça fait du bien. C’est une forme de catharsis.
Quand tu vois l’état du monde, tu te dis que l’apocalypse, c’est moins une fin qu’un état de lucidité.
Et si ça ne donne rien, au pire, on aura au moins crié dans le vide — c’est déjà de l’art.
Votre musique et les paroles s’ancrent beaucoup dans les paysages. Quel est le rapport du groupe avec la nature?
La nature, c’est l’endroit où tout ce qu’on raconte existe déjà sans nous.
Elle est belle, cruelle, indifférente, et finit toujours par avoir le dernier mot.
On s’y retrouve parce qu’elle a la même dualité que notre musique : un calme immense et une violence totale.
Et puis, aucune salle de concert ne bat le son d’une falaise (dédicace au Cap Gris-Nez).
Vos morceaux sont amples, durent au delà du format FM (+ de 3 minutes), et pourtant, le nouvel EP regorge de morceaux qui restent en tête. Comment se passe votre processus d’écriture ?
Souvent, tout part d’une image, d’un son ou d’un riff qui évoque quelque chose.
On se dit : « Et si on faisait une chanson sur les profondeurs des abysses ? »,
ou « Un truc un peu chic, ambiance XIXe siècle ? », ou encore « Un mec qui se noie dans l’absinthe ? »
Ensuite, on empile, on détruit, on reconstruit.
Pour cet EP, on envoyait nos maquettes à Ténèbre, notre producteur, qui faisait du tri, proposait des idées, et on repartait avec une direction plus claire.
Il y a eu pas mal d’écart entre les versions V1 et les versions finales.
Quand tout le monde ferme les yeux et se croit sur une vieille caravelle perdue au milieu de l’océan, c’est qu’on tient quelque chose.
On ne cherche pas le format, on cherche le moment où le morceau devient imprévisible tout en restant écoutable.
Vos paroles initient des dialogues. Avez-vous écrit avec la notion de communion ou de communauté en tête ?
Pas vraiment. Ce sont surtout des textes introspectifs, sur les sentiments, les angoisses du quotidien, écrits de manière un peu floue, dans un style qui pourrait être celui du XIXe siècle.
On a mis les paroles en ligne pour que chacun puisse se les approprier.
C’est important de se dire qu’un titre peut évoquer quelque chose de personnel alors que l’idée de départ était totalement différente.
Il y a des clés, mais c’est aussi à l’auditeur d’imaginer son propre univers.
Et si quelqu’un s’y reconnaît, c’est déjà une victoire.
Quelles sont vos programmes TV cultes d’enfance?
Probablement des choses trop lumineuses pour qu’on s’en souvienne…
Les pubs pour les yaourts, les VHS mal enregistrées, “C’est pas sorcier”, “X-Files”,
« Les Tortues Ninja », « Les Minikeums », « La famille Robinson », « Sauvé par le gong », et des BN à moitié écrasés.
Tout ce qui faisait croire que le monde était encore à peu près cohérent.
Si votre musique devait figurer dans un film, qui en serait le-a réalisateur-ice, ou quel film/genre de film ça serait ?
Peut-être Lars von Trier, Ari Aster, ou un Miyazaki dépressif.
Quelqu’un capable de filmer la fin du monde avec douceur.
Ou alors, un documentaire animalier tourné dans une usine désaffectée.
Citez vos films préférés en expliquant pourquoi.
* The Lighthouse : parce que c’est exactement ce qu’on aurait fait si on avait eu un phare et trop de temps.
* Stalker : pour la lenteur et la boue.
Midsommar : pour la lumière qui brûle.
* Les Dents de la mer, pour la pédagogie.
Merci infiniment à Naufraage pour leur disponibilité et de m’épater artistiquement.
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