Inside Llewyn Davis, des frères Coen (2013).
Introduction:
Je suis un fan inconditionnel de la filmographie des frères Coen. J'ai donc tendance à aduler chacune de leur création, avec un enthousiasme sans faille. Leur cinéma me parle d'une manière toute particulière, car ils font marcher de concert représentation singulière du monde et étonnement existentiel. De film en film, la philosophie mise en place par les cinéastes se décline en tableaux communicants les uns avec les autres. Ils mettent en scène le parcours chaotique de personnages qui cherchent à contrôler leur vie, à donner du sens au monde qui les entoure, à survivre face à des événements destructeurs, dont l'issue est laissée à notre discrétion. Cette approche aporétique de la narration est un jeu de connivence qui contrecarre les pré-conçus du spectateur. S'attendre à ne rien s'attendre.
L'histoire:
A l'aube des sixties, à New York, Llewyn Davis vivote en jouant de la folk que personne ne considère réellement, qui ne lui permet pas même d'avoir un logement, se bat contre la solitude de n'avoir (jamais eu) d'attache avec personne, se marginalise face à un environnement auquel il refuse de s'adapter.
Ça vaut le coup parce que:
le film est une évocation minutieuse de l'esprit de l'époque, lorsque les valeurs conservatrices de l'american way of life d'après-guerre le disputaient à l'expression d'une liberté individuelle et sociétale plus exigeante. C'est l'occasion de découvrir la magnifique performance d'Oscar Isaac dans le rôle principal. Mais loin de tomber dans une redite de leur trilogie de l'homme ordinaire (Barton Fink, The Barber, A Serious Man), les frères Coen prennent à bras le corps leur personnage, filmé à pratiquement tous les plans. Le film, par la retenue de son scénario et la subtilité de sa mise en scène, perce l'intimité de cet homme qui fait tout ce qu'il peut, tout ce qu'il sait faire, mais qui n'obtient rien. Il se résigne progressivement à l'idée qu' "exister", c'est peut-être simplement avoir un travail alimentaire et se montrer digne des responsabilités qui lui incombent. Cette thématique suggérée dans des films précédents est plus amplement développée à travers Llewyn. Son histoire est comme bien souvent pour les frères Coen une odyssée vers l'échec, ce mécanisme qui nous morcelle. La plénitude aperçue au bout du tunnel demeure très évasive. Les détails distillés ça et là pour mettre en lumière l'indolente fragilité du personnage ne permettent jamais de rire franchement de lui, et malgré l'infortune qui pèse sur lui, sa témérité de ne jamais s'avouer entièrement vaincu est un pied de nez à ses malheurs. On retrouve ce goût pour l'ambivalence tragi-comique, ce sens de la dérision absolue qui invite le spectateur à sourire de l'angoisse, de la sensation d'absurdité et de la solitude qui immanquablement nous submergent, nous constituent, qui finalement sont les rares liens nous unissent.
Commentaires
Enregistrer un commentaire